Le 6 juillet prochain, Orange lancera son offre bancaire dénommée Orange Bank et compte bien révolutionner le secteur bancaire. S’autoproclamant le « free de la banque » et cherchant à se démarquer des autres banques en ligne, l’opérateur souhaite proposer un service quasiment gratuit combinant compte, carte et chéquier ; le tout entièrement pilotable sur un smartphone, de l’ouverture du compte au blocage temporaire de la carte en passant par le paiement sans contact. En plus de cela, la relation client sera entretenue par un conseiller virtuel fonctionnant grâce à une intelligence artificielle apprenante.
Cette révolution annoncée, qu’elle soit avérée ou non, possède à minima l’intérêt de nous amener à considérer les différentes mutations qui ont marqué le secteur bancaire et qui ne cesse de le renouveler. En effet cette nouvelle offre d’Orange nous permet de percevoir ces évolutions sous 3 angles différents. Le premier concerne les objets connectés : effectivement, smartphones, télévisions, lunettes, bracelets et autres objets sont des technologies en passe de bouleverser les services bancaires traditionnels. Le deuxième, fortement lié à ces nouvelles technologies, concerne les banques en ligne qui ont véritablement révolutionné le marché des
banques. Enfin, l’ensemble de ces changements ne peut être envisagé sans traiter des Fintechs.
Les objets connectés correspondent à une extension d’Internet à des objets que nous utilisons et même à des lieux que nous fréquentons. A ce titre, ils représentent les exemples les plus flagrants de l’immiscion d’internet dans notre quotidien et marquent une véritable mutation de notre façon de consommer.
Objet connecté : Internet of Things, of Everything
L’Internet of things (IoT) est le nom qui correspond à ce phénomène et repose en grande partie sur les objets connectés. Un « objet connecté » a ceci de particulier qu’il est intrinsèquement lié et sensible à son environnement. En effet, ses nombreux capteurs permettent d’en détecter l’évolution : température, pression, position… A partir de ceux-ci, l’IoT permet de construire des conglomérats d’objets, d’en agglomérer les données et d’élaborer des structures de plus en plus performantes. Il participe ainsi à l’accroissement du volume de données généré sur le réseau, à l’origine du big data.
Bien évidemment, l’IoT manifeste une multitude d’applications : en domotique, dans les loisirs pour les pratiques du sport par exemple ou encore dans l’industrie. Ainsi, les services financiers, bien qu’immatériels, n’ont pas été épargné par ce phénomène.
C’est d’ailleurs à travers cet écosystème naissant que se déroule actuellement une vraie révolution du paiement et des services bancaires.
Près de 20,8 milliards d’objets connectés en 2020
Tout est réuni pour que les pièces et billets de monnaie disparaissent. De plus en plus, les commerçants s’équipent de terminaux de paiement sans contact, un concurrent 2.0 polymorphe : mobile mais aussi pendentif, bracelet ou même vêtements… tous les accessoires de la vie quotidienne ont vocation à faire office de vecteur de paiement pour leur propriétaire. Une étude du cabinet Gartner estime que 6,4 milliards d’objets ainsi connectés sont utilisés dans le monde en 2016, soit une croissance de 30 % par rapport à 2015. D’ici à 2020, ce sont plus de 20,5 milliards d’objets qui devraient être connectés.
Personnalisation, conseil et dématérialisation
À mesure qu’ils accèdent à un ensemble de données de plus en plus riche sur le mode de vie de leurs clients, les institutions financières pourront également répondre en temps réel aux besoins des clients. Cela transformera par exemple des produits tels que les assurances, qui deviendront alors plus personnalisés en fonction du mode de vie de l’individu. La relation avec la banque pourrait également s’en trouver bouleversée : grâce à ces données le contact avec les conseillers ou experts serait facilité et davantage personnalisé.
Autre exemple, avec les maisons connectées : pour une famille, on pourrait lier un compteur intelligent au compte bancaire et passer d’un fournisseur à l’autre pour obtenir les meilleures offres.
En ce qui concerne la banque de détail, les smartphones et montres « smartwatch » sont à première vue les objets « types » pouvant servir de support. Pourtant d’autres objets peuvent également contribuer à repenser les services bancaires. Tel est le cas des applications déjà élaborées pour les Google Glass. Ainsi outre l’accession aux soldes des comptes et la localisation des distributeurs, certaines banques ont d’ores et déjà développé des fonctionnalités plus poussées. La Caisse d’épargne a par exemple lancé « Google Glass Coffre-fort numérique », une application qui permet de prendre des photos de justificatifs et de les conserver dans un coffre-fort virtuel accessible à tout moment.
L’IoT continuera sans aucun doute à développer et à influer sur d’autres industries au fil des années, mais il est de plus en plus évident qu’elle affecte significativement divers secteurs tels que la banque, les finances et les assurances, ainsi que les exemples traditionnels de fabrication et de transport.
La recherche d’instantanéité et d’immédiateté – caractéristique des mutations de nos sociétés – combinée à l’exigence d’une sécurité et d’un contrôle bancaire toujours plus accrus sont à l’origine d’une véritable révolution dans le monde de la banque de détail : la naissance et l’essor des banques en ligne et des banques à distance.
Historique : la révolution des services bancaires
Historiquement cette tendance s’est dessinée à l’aune des années 1980 profitant du développement de la doctrine néolibérale et du « big bang » numérique. Ainsi les prémices du service bancaire dématérialisé se sont principalement concentrés sur les activités boursières, permettant aux particuliers de passer directement des ordres de bourses depuis un terminal.
Par la suite, l’ADSL puis l’émergence des smartphones ont contribué à l’évolution de la première génération de services bancaires dématérialisés vers une seconde génération proposant aux clients une offre plus complète intégrant des fonctionnalités de prêts, de paiement voire de gestion de budgets. Cette mutation a logiquement conduit à une transformation du rôle du banquier dont la tâche principale n’est plus d’exécuter des opérations mais de véritablement conseiller ses clients.
Banque en ligne ou banque à distance ?
Aujourd’hui, les deux principales structures de ce segment de la banque de détail sont les banques en ligne et les banques à distance. La première renvoie à des pure players qui réalisent des opérations de banque habituelles sans posséder d’agence physique, la seconde concerne les filiales de banques par lesquelles il est également possible de réaliser des opérations en ligne tout en conservant une implantation physique par le biais d’un réseau d’agences.
Ces nouvelles pratiques répondent aux besoins actuels des individus. En effet, il n’est pas rare de croiser un individu vérifiant ses comptes sur son téléphone ou en train d’effectuer un virement depuis son ordinateur. Les chiffres parlent également d’eux même : près de 80% des internautes français se rendent au moins une fois par mois sur le site de leur banque.
Panorama actuel des banques dématérialisées
Toutefois, le rapport à l’argent est particulier, les individus ne considèrent pas une banque comme un prestataire de service comme un autre. La recherche de sécurité de la part des particuliers les conduit à opter principalement pour une approche multicanale. Les Français n’ont pas encore suffisamment confiance dans ces nouvelles banques – en comparaison avec les banques traditionnelles – pour opter uniquement pour une banque en ligne. Dans la majorité des cas, ils utilisent le service en ligne de la banque dans laquelle ils sont actuellement clients ou ouvrent un compte complémentaire dans une banque en ligne tout en conservant leur compte dans leur banque habituelle. Néanmoins, cette pratique semble de plus en plus courante puisque le taux de pénétration des banques en ligne ne cesse d’augmenter, passant de 7,1% en 2014 à 10% en 2016.
A l’heure actuelle, les leaders de la banque en ligne en France sont les banques suivantes : BforBank, Boursorama, Fortuneo, Hello Bank, ING Direct, Monabanq et Soon. Le leadership semble détenu par ING Direct qui enregistre à la fin 2016 environ 1 million de clients. Ce chiffre est cependant en léger recul par rapport à la fin 2015 en raison de la loi Eckert qui entraine la fermeture automatique de vieux livrets d’épargne inutilisés par les titulaires et en raison d’une nouvelle politique tarifaire de la banque. Boursorama, filiale de la Société Générale, la talonne néanmoins avec 977 000 clients et dénote d’un fort dynamisme. En effet, en 3 ans, la banque en ligne a doublé de surface. Néanmoins l’arrivée de nouveaux acteurs tels qu’Orange Bank sur le marché des banques en ligne pourrait bien remettre en cause le marché actuel.
Ainsi la révolution numérique a permis une véritable évolution des pratiques bancaires des particuliers en leur offrant plus d’autonomie d’action et en réduisant les coûts opérationnels. La confiance n’est cependant pas un aspect à négliger, notamment en ce qui concerne les établissements financiers. C’est pour cela que le véritable enjeu pour les établissements bancaires proposant des services en ligne réside avant tout dans le renforcement de la sécurité et le développement d’une forme de légitimité.
Les FinTechs sont, par définition, l’environnement de start-ups qui repensent et bouleversent, dans une certaine mesure, le monde de la finance. Afin d’analyser plus précisément celles-ci, nous avons choisi une typologie de FinTech assez intuitive nous permettant de définir au mieux leur domaine d’exercice : le crowdfunding, les néobanques, les moyens de paiement et la gestion de finance.
Le crowdfunding
Le financement participatif est une des formes les plus connues de FinTechs. Ce mode de financement alternatif met en lien, via des plateformes en ligne, des particuliers (quelques fois des institutionnels) et des individus en besoin de financement pour des projets professionnels, artistiques ou culturels, ou encore des porteurs de projets et des épargnants prêteurs.
Cela a certes permis un accès plus simple au financement de certains projets et a pu éloigner certains acteurs du financement classique avec la banque comme intermédiaire principal. Cependant, les banques n’ont pas laissé passer cette opportunité et ont développé très rapidement des projets, des plateformes … souvent séparés de leur métier historique.
Prenons l’exemple d’ING Belgique, pionnière dans le développement du crowdfunding. En effet, cette banque a misé sur une véritable complémentarité à travers un partenariat avec Seedrs et KissKissBankBank : ING ne cherche pas la promotion des nouveaux moyens de paiement mais l’élargissement de son catalogue. Beaucoup de banque préfère investir dans des start-ups sans pour autant les inclure pleinement dans leur offre courante. Cet accord a été signé en fin 2015.
Les néobanques
La néobanque est cette banque digitale, sans guichet, que nous avions abordée plus haut. Comme nous l’avons vu, elle nous promet une alternative à notre banque traditionnelle, plus transparente sur tout ce qui concerne les services et tarifs ainsi qu’une relation plus privilégiée et surtout une rapidité dans les démarches.
Prenons un exemple concret afin d’évaluer la réelle différence. La néobanque la plus connue et qui a voulu « réveiller » la banque : Morning. Anciennement Payname, qui proposait des services de paiement entre particulier et des cagnottes, Morning devient en octobre 2016 une néobanque. Elle propose un compte bancaire avec un RIB et une carte, le tout piloté par une application mobile. Quelle différence alors avec une banque en ligne ? Elle voudrait arriver à une carte complétement pilotable (choix du code PIN …) et à supprimer le relevé de compte en se fondant sur un solde prédictif, alors que la banque en ligne n’est finalement qu’une banque classique mais sans guichet physique. Cependant elle n’a pas, à son lancement, le statut d’établissement de crédit et ne peut donc ni accorder des découverts, ni financer des projets : Morning souhaite obtenir cette licence en 2017. De grandes ambitions donc.
Où en est Morning ? En décembre 2016 Morning, à court de liquidités, prélève 500 000 € sur le compte de cantonnement – l’argent des clients. Elle se voit suspendre son agrément par l’ACPR. Morning se voit aussi rachetée par Edel (banque de E. Leclerc) qui fin mars 2017 possède presque 79% de son capital. Et finalement la société reste un « établissement de paiement » et n’obtient pas encore le statut convoité.
Les moyens de paiement et la gestion de finance
Payer facilement. C’est le mot d’ordre de ces start-ups. Lydia, Pumpkin et d’autres permettent d’effectuer des paiements entre particuliers et même de régler la note de certains commerces équipés. Vous avez juste besoin d’attacher à ces applications votre carte bancaire. Mais il existe d’autres interfaces comme celle du géant Apple. Avec ApplePay vous pouvez payer tout commerçant équipé d’un moyen de paiement « sans contact ».
De la même manière de multiples applications mobiles se créent pour permettre de gérer ses finances facilement : Rapid’Epargne qui permet d’allouer un pourcentage d’épargne (déterminé à l’avance) à chaque dépense effectuée, MoneyDesktop – un logiciel intelligent qui propose grâce à un historique des objectifs budgétaires et des dépenses des stratégies personnalisées – ou encore Elastic (Think Finance) un nouveau service aux entreprises qui permet de modéliser les avances sur salaires possibles …
A quand une interface qui permet de mutualiser toutes ces fonctionnalités ? Le Crédit Mutuel Arkéa a peut-être la réponse. En septembre prochain sera lancé Max une plateforme de service qui va bien au-delà du simple service financier. L’application gratuite propose à ses utilisateurs, peu importe leur banque, des fonctions de gestion multi-compte avec l’aide d’un assistant virtuel pour les finances personnelles, mais aussi une « plateforme de conciergerie » (baby-sitting, ménage …). Après son premier moi de lancement, l’application sera complétée par un compte de paiement et une carte bancaire qui serait un support unique pour toutes les cartes du client. Nous pouvons voir ici l’avenir des produits et services bancaires : leur élargissement vers le service ultra-personnalisé et non limité aux offres classiques de la banque.
Finalement le monde des FinTechs se caractérise par une offre qui ne cesse d’évoluer, qui dynamise et qui, effectivement, bouleverse l’offre habituelle des différents organismes financiers. Il est difficile de prévoir ce que ces start-ups si nombreuses vont devenir. Il semble que l’électrochoc FinTech a bel et bien permis au monde de la banque de se réveiller et de voir le potentiel d’innovation dans leur secteur. Un avenir de collaboration entre banques et FinTech – comme nous l’avons vu avec ING – semble bien être possible. En effet, les banques, au lieu de développer leurs propres services, peuvent gagner du temps en collaborant avec ces start-ups et celles-ci gagnent en source de revenu et de développement.